" Varian Fry, nom méconnu parmi de nombreux autres, illustres : Alma Mahler, Lion Feuchtwanger, André Breton, Marcel Duchamp, André Masson, Marc Chagall, Anna Seghers, Victor Serge, Max Ernst… Un jeune Américain, idéaliste et déterminé, qui, mû par sa seule détermination et une conscience aiguë du danger nazi, parvint à exfiltrer du Sud de la France plus de deux mille réfugiés, principalement écrivains, artistes et intellectuels européens, juifs ou antifascistes, accompagnés de leurs familles.
- 1 La Liste noire, Marseille, Agone, 2008.
- 2 A quiet Americain: The Secret War of Varian Fry, New York, St. Martin’s Griffin, 1999.
2C’est ce chapitre héroïque de la vie de Varian Fry que Bernadette Costa-Prades, journaliste et auteure de plusieurs biographies, choisit de relater dans ce livre. Elle s’appuie notamment sur le récit autobiographique qu’en a livré Fry en 1945 (Surrender on Demand, disponible dans une nouvelle traduction française sous le titre : La Liste noire1,), ainsi que sur la biographie très fournie que lui a consacré Andi Mario (A quiet Americain: The Secret War of Varian Fry2). Le projet de Bernadette Costa-Prades n’est pas encyclopédique, au contraire : l’ouvrage se compose d’une suite de courts chapitres, ordonnés chronologiquement, qui plonge immédiatement le lecteur dans les tourments du printemps 1940.
3Varian Fry a alors une trentaine d’années – il est né en 1907. Issu d’une famille de quakers, il a fréquenté l’Université avant de lancer, avec quelques amis, la revue littéraire Hound & Horn. C’est comme correspondant du journal The living Age qu’il voyage en Europe. En juillet 1935, à Berlin, il est le témoin de manifestations et d’agressions antisémites. Des faits fondateurs de son engagement futur.
4De retour aux États-Unis, Fry suit avec stupeur les événements du printemps 1940. Il parvient à persuader le président Roosevelt de l’urgence d’intervenir. Muni de quelques milliers de dollars et d’une liste de 200 personnalités en danger, il rejoint Marseille pour y mettre en place un plan de sauvetage. Ce sera l’Emergency Rescue Committee (ERC), créé dès la mi-août 1940. Fry s’efforce de mobiliser de l’aide sur place en créant un réseau capable de fournir des visas, d’identifier, de trouver puis d’accompagner les réfugiés jusqu’en Espagne. C’est dans sa chambre d’hôtel qu’il reçoit et organise les transferts. Si la plupart des exfiltrations sont couronnées de succès, ce n’est malheureusement pas le cas de toutes : acculé après l’échec de son départ, Walter Benjamin se suicide à PortBou le 26 septembre 1940. Fry n’abandonne pas pour autant, d’autant que les candidats au départ se multiplient. Par souci de sécurité, l’Emergency Rescue Committee est renommé « Centre américain de secours » (CAS), et s’installe, en octobre, chez un ancien marchand de valises, 60 rue de Grignan. Sous l’impulsion de ses nouveaux collaborateurs (Mary Jayne Gold, Daniel Bénédite et quelques autres…), une organisation plus rationnelle se met en place. Il devient urgent de trouver un lieu de refuge, isolé, pour les candidats en attente de partance et leur famille.
La Villa Bel Air, louée par Mary Jayne Gold en octobre 1940, est l’endroit idéal : un véritable phalanstère d’artistes s’y organise, regroupant notamment André Breton et Victor Serge. Une parenthèse enchantée sous la menace, qui se referme au printemps 1941 : la plupart des protégés ont pu partir et rejoindre les Amériques, et Varian Fry, quant à lui, perd la protection consulaire. Les autorités américaines lui refusent le renouvellement de son passeport. Arrêté, il est escorté par la police jusqu’à la frontière espagnole. Le comité, quant à lui, fermera définitivement ses portes le 2 juin 1942, sur décision administrative de Vichy.
5De son vivant, Fry ne bénéficiera d’aucune reconnaissance particulière. Il faudra attendre 1996 pour que celle-ci lui soit officiellement accordée : Israël le déclare « Juste parmi les Nations », et un arbre est planté à sa mémoire à Jérusalem, près du Yad Vashem Museum. L’occasion, aussi pour l’État américain, représenté lors de la cérémonie par un secrétaire d’État, de présenter des excuses formelles « au nom du département d’État pour le traitement qu’il avait reçu pendant sa mission en France. » Dès lors, on ne peut que saluer l’entreprise de Bernadette Costa-Prades de faire découvrir cette figure discrète et humaniste au public français. Son écriture très efficace, au style quasi journalistique, accroche le lecteur et rend l’ouvrage accessible à tous publics, y compris adolescent.
- 3 « Varian Fry, Marseille 1940-1941 et les artistes candidats à l’exil », Paris, Halle Saint-Pierre, (...)
6On regrettera seulement l’absence d’un index des noms cités et de la liste des personnes sauvées. Le portrait de Varian Fry, placé en page 8, donne, en revanche très heureusement, consistance physique au personnage. D’autres photos auraient pu lui être adjointes, par exemple celles rassemblées lors de l’exposition « Varian Fry, Marseille 1940-1941 et les artistes candidats à l’exil » tenue à la Halle Saint-Pierre en 20073. L’auteure mentionne en outre, très utilement, les références de la correspondance de Fry, déposée aux Archives de la Butler Library de l’Université de Columbia (NY) et aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône (fonds Daniel Bénédite). Des informations qui permettront à ceux qui le souhaitent de poursuivre leur découverte de cet Américain au grand cœur."
"la Villa AIRBEL" qui fut à Marseille, dns le quartier de La Pomme, la résidence de Varian Fry, de plusieurs Membres du Centre Américain de Secours (CAS) d'André Breton et de Victor Serge, fut entièrement détruite à la fin des années 60. Aucune procédure de classement en tant que Monument Historique n'avait été envisagée, le Maire de MARSEILLE, Gaston DEFFERRE posa en octobre 1962 la première pierre d'une cité HLM (1200 logements sociaux) répartis sur 21 Hectares et des immeubles dont on parle aujourd'hui parce que c'est une cité sensible très mal entretenue .... " JOURNAL la MARSEILLAISE du 11 Avril 2023)
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