Salle de shoot à Marseille : les associations dénoncent un lâchage politique
ACTUALITÉpar Violette Artaud
Les soutiens du projet de halte soins addictions se réunissaient ce mercredi soir, une semaine après l'abandon du projet d'installation boulevard de la Libération. Dans une lettre ouverte, ils pointent la responsabilité du maire de Marseille dans cet échec et appellent à un nouveau projet. Sans trop d'illusions.
Les porteurs associatifs du projet de HSA ont donné rendez-vous dans les locaux du Bus 31/32 ce mercredi 24 janvier. (Photo : VA)“Les élus ? Il n’y en a pas ce soir. Pour être honnêtes, on ne les a pas invités.” Le message est clair. Ce mercredi soir, dans les locaux de l’association du Bus 31/32, émanation locale de Médecins du monde version réduction des risques liés à la consommation de drogues, des dizaines de personnes se sont données rendez-vous. Parmi elles, une partie de la presse, mais surtout “les soutiens du projet”, ont indiqué au préalable les organisateurs de la soirée. Le projet en question, c’est celui de salle de consommation de drogues à moindres risques qui devait ouvrir ses portes au 110, boulevard Libération. Jusqu’à la semaine dernière, où, alors que le projet était dans sa dernière ligne droite – il ne manquait “plus que” la signature du ministère de la Santé – tout est tombé à l’eau. Pour certains, ici, difficile d’imaginer que le projet se relève à court terme.
LÂCHÉ PAR L’ÉTAT, LE PROJET MUNICIPAL DE SALLE DE SHOOT À MARSEILLE FRAGILISÉ
Cette soirée, Asud, SOS Solidarité, Médecins du monde, Nouvelle Aube et les autres structures engagées dans l’ouverture de cette salle de shoot marseillaise, l’ont voulue conviviale. Les gobelets en cartons se remplissent et quelques chips croquent sous la dent. Mais l’ambiance n’est pas pour autant à la fête. “Nous aurions pu vous annoncer une bonne nouvelle, prend le micro Didier Febvrel, délégué régional PACA de Médecins du monde. Mais ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, nous sommes tristes et en colère.”
LETTRE OUVERTE AU MAIRE DE MARSEILLE
Pour faire part de cette colère, les porteurs du projet de cette halte soins addictions (HSA) ont rédigé une lettre ouverte. Elle s’adresse directement au maire de Marseille, Benoît Payan. Déclamé à haute voix ce mercredi soir, le texte ( à lire dans son intégralité ici ) revient sur les mois de travail qui ont permis de faire avancer ce projet. Et auxquels la mairie a pris part de manière active, soulignent les auteurs. “Le lieu a été proposé et validé par votre cabinet”, rappellent ainsi les associatifs avant de poursuivre : “ce n’est pas qu’un projet qu’on abandonne, on abandonne à leur sort plus d’un millier de personnes usagères de drogues, tentant de survivre comme elles le peuvent dans les rues du centre-ville de Marseille. Des personnes exclues de l’accès aux soins et privées pour la plupart de leurs droits les plus élémentaires, acculées une nouvelle fois au pire et contraintes de continuer à s’injecter dans les conditions indignes”.
SALLE DE SHOOT À MARSEILLE : LES ASSOCIATIONS DÉNONCENT UN LÂCHAGE POLITIQUE
Alors qu’ils défendaient encore l’installation du lieu dans le 4ᵉ arrondissement jusqu’à il y a peu, les signataires reviennent aujourd’hui sur ce choix, sans détours. “Il aurait été préférable, de l’avis quasi unanime, sauf de la maire de secteur et de son équipe municipale, d’implanter la HSA dans le 1er arrondissement. Mais vous n’avez pas osé aller à l’encontre de l’opposition opiniâtre de la mairie de secteur”, appuient-ils.
AVIS DÉFAVORABLE DE LA PRÉFÈTE DE POLICE ET DU PROCUREUR
Stéphane Akoka, directeur de l’association Asud, sur qui reposait principalement le projet, espérait encore la signature du ministère jusqu’à la semaine dernière. Il revient sur ce comité de pilotage du 16 janvier qui a tout changé : “Deux intervenants ont émis un avis défavorable : la préfète de police et le procureur. Mais on avait senti le désengagement politique avant.” Stéphane Akoka rapporte aussi que la patronne des forces de l’ordre du département et le chef du parquet de Marseille ont tous deux estimé que le 1ᵉʳ arrondissement, plus touché par les problématiques liées à la consommation de drogue dans la rue, aurait été préférable. Le président de l’association Marseille sans Sida et sans hépatite, dont est membre Michèle Rubirola, première adjointe au maire déléguée à la santé qui a largement soutenu le projet, se fait lui plus acerbe encore au sujet de la municipalité. “Nous avons eu affaire à une association de malfaiteurs, qui nous ont trompés sur leur volonté, avant de se désengager”, lâche Michel Bourrely.
Comparant ainsi la majorité en place à la précédente – l’équipe Gaudin avait aussi abandonné un projet similaire en son temps – les signataires de la lettre ouverte à Benoît Payan l’accusent d’avoir “cédé à l’animosité d’une poignée d’habitants manipulée par l’opposition municipale”. Mais également de ne pas avoir rencontré lui-même les porteurs du projet marseillais, qui auraient pu, selon eux, lui “dresser un tableau différent de la question de l’usage des drogues sur notre ville” et ainsi changer ses “représentations dépassées”.
“PEUT-ÊTRE QUE NOUS AVONS MANQUÉ DE COMMUNICATION”
Mais ces derniers savent aussi que s’il leur reste un dernier espoir de voir une salle de shoot ouvrir à Marseille, ils ne pourront rien sans la Ville. Ils appellent ainsi le maire à trouver un autre lieu avant le 16 février, date du prochain conseil municipal et prévoient une manifestation le 31 janvier. “Peut-être que nous avons manqué notre communication, que nous n’avons pas fait assez de manifestations, poursuit Maëlla Lebrun, du Bus 31/32. Mais nous sommes un centre de soin, pas des politiques.” La solution de HSA mobile avancée par le procureur ? “Cela peut-être utile, mais ce n’est pas la solution parfaite”, évacue un représentant de la Fédération addiction. Dans son communiqué en réaction à l’annonce, le 17 janvier, Michèle Rubirola promettait qu’elle restait “plus que jamais engagée pour mener à bien ce projet”, mais la confiance dans la mairie sera difficile à rétablir.
“Chaque overdose, chaque arrêt cardiaque, chaque pathologie mentale développée faute de prise en charge, chaque contamination au VIH et à l’hépatite C que ce lieu aurait pu éviter, seront à imputer à celles et ceux qui se sont appliqués à saboter ce projet plutôt que d’investir leur énergie et leur légitimité démocratique pour le faire réussir”. Voilà les dernières phrases de cette lettre ouverte, qui résonne autant comme une interpellation, que comme une forme de chant du cygne.
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