Le préfet s’oppose à la création d’une halte soins addictions à Marseille
En marge d’une conférence de presse sur les questions de sécurité, le préfet Georges-François Leclerc a annoncé son refus de voir un dispositif socio-médical d’accompagnement des usagers de drogue se créer en centre-ville. Au grand dam de la Ville de Marseille.
“Le préfet des Bouches-du-Rhône ne souhaite pas de halte soins addictions (HSA) dans le centre-ville de Marseille.” La phrase est limpide. Lâchée à la fin de la conférence de presse ce jeudi 25 septembre en préfecture sur la sécurité dans le département, par Georges-François Leclerc en personne, elle ne laisse place à aucun doute : “Moi, préfet des Bouches-du-Rhône, il ne saurait y avoir de HSA.” Fermez le ban.
C’est un changement de pied par rapport à ses prédécesseurs, les préfets de police Frédérique Camilleri et Pierre-Édouard Colliex. Georges-François Leclerc — qui cumule les fonctions de préfet des Bouches-du-Rhône et de police — est le premier à s’opposer frontalement à la création de ce dispositif de santé publique à Marseille. Ces espaces — comme il en existe à Paris, Strasbourg ou dans d’autres grandes villes européennes — permettent l’accueil d’usagers de drogues par une équipe pluridisciplinaire de professionnels (infirmiers, médecins, éducateurs, assistants sociaux…).
Promise par le Printemps marseillais à son arrivée au pouvoir, et envisagée fin 2023 au boulevard de la Libération à Marseille, la HSA — appelée abusivement “salle de shoot” par ses détracteurs — n’a pas vu le jour. Autant du fait de la frilosité de la majorité municipale devant la réaction des riverains, de l’instrumentalisation par l’opposition de droite, que du véto finalement posé sur le choix de ce lieu par l’État. Mais le projet était “toujours dans les tuyaux”, explique Michèle Rubirola, première adjointe au maire, chargée de la santé publique.
“Priorité à la répression” pour Georges-François Leclerc
Si cette prise de position, particulièrement tranchée, est exprimée en peu de mots, le préfet développe ensuite les raisons de son opposition. La création d’une halte soins addictions suppose l’établissement d’un périmètre autour de celle-ci dans lequel les forces de police font preuve d’une forme de “tolérance” à l’égard des usagers (mais pas des trafiquants qui peuvent éventuellement y être appréhendés). C’est là que le bât blesse aux yeux de Georges-François Leclerc. “Le traitement médical est nécessaire, mais il ne peut pas se réaliser en l’absence d’interpellations”, assure le préfet qui insiste : “Priorité à la répression.”
“Mais, la répression, il n’y a que ça ! Et on voit bien que cela ne suffit pas”, s’agace Michèle Rubirola, jointe par Marsactu. Elle confie sa “grosse déception” face à cette prise de position, tout en ne sachant pas si “elle correspond à une directive de l’État” ou s’il s’agit là d’une expression plus personnelle du préfet. Pour la première adjointe, toutefois, “ce projet de santé publique qui vise autant à l’accompagnement des usagers qu’à la sécurité des habitants est plus que jamais d’actualité avec l’augmentation de l’usage du crack en centre-ville de Marseille“.
À la Ville de Marseille, on dit regretter “cette prise de position radicale”. Cette annonce de Georges-François Leclerc sonne comme “un gros coup d’arrêt dans le dialogue tissé entre les associations parties prenantes, l’Agence régionale de santé (ARS), la préfecture et la Ville qui se réunissent fréquemment sur le sujet. Et alors même qu’un consensus semblait acté autour de la création d’un dispositif indispensable”.
Michèle Rubirola appelle le préfet à “revenir” sur sa position
Une réunion doit se tenir en préfecture ce vendredi avec un certain nombre d’acteurs qui œuvrent sur le sujet. Elle promet d’être délicate. D’ici là, Michèle Rubirola appelle le préfet à “revenir” sur sa position et en appelle “à l’humain qu’il est”. Elle l’invite également, s’il le souhaite, à réaliser avec elle un “voyage d’étude à Copenhague, Lausanne ou Barcelone”, pour constater de lui-même comment fonctionnent ces haltes. “Dans l’accompagnement des usagers, mais aussi dans leurs liens avec les autorités policières, dit-elle. Car ces HSA ne sont pas la seule solution, mais une partie de la réponse. Et nous devons tous travailler ensemble sur le sujet.”
Au sein de la municipalité, une autre source s’alarme : “Ce projet, on ne peut pas le mener sans l’État.” Michèle Rubirola abonde : ce changement de position va mettre en péril le projet dans son financement. “D’ici à la fin de l’année, la subvention accordée par l’Agence régionale de santé (ARS) à laquelle nous avions droit pour mener cette expérimentation sera caduque”, regrette-t-elle. Un million d’euros qui va passer à la trappe dans l’accompagnement des toxicomanes marseillais. Alors même que la question, de l’aveu de tous les acteurs de terrain, se fait toujours plus aiguë.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire