Après l’incendie, un site de stockage de déchets en cendres et des questions brûlantes
Le feu qui a ravagé 700 hectares, mardi 8 juillet, a touché un site de gestion de déchets géré par l'entreprise Suez, dans le quartier de Jas de Rhodes aux Pennes-Mirabeau. L'exploitant comme les pouvoirs publics ne distillent que très peu d'informations sur l'ampleur des dégâts et sur les mesures prises à ce stade.
Il est 11 h 30, mardi 8 juillet, lorsque l’ordre est donné d’évacuer le lotissement Le Littoral II. L’incendie gagne du terrain aux Pennes-Mirabeau et constitue une menace pour les riverains du quartier de Jas de Rhodes. Le feu ravage plus de 700 hectares, laissant derrière lui des pans entiers de collines noircis par les flammes. Mais la végétation n’a pas été la seule à se consumer. “Tout à coup, la fumée jusqu’alors plutôt grise est devenue noire entre 13 et 14 heures”, se remémore Cédric, qui habite à un kilomètre à vol d’oiseau de ce lotissement. Quand les habitants du Jas de Rhode regagnent leur domicile, le lendemain en fin d’après-midi, ils découvrent que le site de gestion de déchets voisin a été endommagé par le feu.
Ce site est géré par l’entreprise Suez. Il accueille, d’un côté, les déchets destinés à être recyclés, et de l’autre, entre 150 000 et 175 000 tonnes par an de déchets ménagers, industriels et même d’amiante voués à l’enfouissement. Durant l’incendie d’origine accidentelle qui s’est déclaré mardi 8 juillet, des déchets ont pris feu, nous confirme la préfecture, sans préciser leur nature. Depuis l’incendie, l’ensemble du site est hors service, tant sur sa partie gestion de tri des déchets que sur sa partie enfouissement. Outre la pollution occasionnée lors de l’incendie désormais éteint, l’avenir de ce site industriel pose de sérieuses questions en termes de sécurité. Il soulève aussi une importante problématique relative à la gestion des déchets qu’il recevait jusqu’alors.
Alarme incendie
Lors de notre visite sur place jeudi 17 juillet, une odeur de cendre persiste dans l’air. Des camions continuent d’aller et venir sur le site. Les bureaux administratifs sont détruits, le bâtiment s’est effondré sur lui-même et ses murs se sont déformés sous l’effet de la chaleur. Deux carcasses de voitures brûlées stationnent encore sur le parking. Une alarme retentit près du site, huit jours après la déclaration de la préfecture des Bouches-du-Rhône qui annonçait avoir fixé l’incendie. La veille, mercredi 16 juillet, un départ de feu se serait déclaré, selon un témoin. Sur place, Marsactu a constaté la présence d’une équipe de Suez. Selon nos informations, elle serait présente pour éviter de nouveaux départs de flammes.
Du côté des pouvoirs publics, difficile d’obtenir des réponses officielles précises. “Les actions menées conjointement avec les pompiers du SDIS [le service départemental d’incendie et de secours] pour sécuriser l’extinction puis l’évacuation de ces déchets brûlés sont en cours, indique la préfecture ce jeudi, plus d’une semaine après le départ du feu. Des travaux de réparation des équipements techniques impactés sont aussi menés en parallèle.” Contacté, le SDIS précise que l’opération est encore sous le commandement de la préfecture, preuve d’une situation de crise toujours d’actualité. Quant à la gestion du flux de déchets habituel, les services de l’État éludent : “Dans l’attente de sa remise en service, des solutions alternatives ont été trouvées pour rediriger les déchets issus de la collecte sélective de la métropole vers d’autres centres de valorisation.”
Le site de Suez des Pennes-Mirabeau reçoit tous les déchets provenant du territoire de la métropole Aix-Marseille-Provence qui ne sont pas brûlés à l’incinérateur EveRé de Fos-sur-Mer. Contactée, la métropole n’a pas donné suite à nos sollicitations. Le cahier des charges de ce site, lui, est strict : il ne doit réceptionner que des déchets non dangereux, qu’ils soient ménagers ou issus d’activités économiques. Ce qui exclut les encombrants en tout genre, les matières plastiques recyclables, les emballages ou le verre. Pourtant, comme Marsactu l’écrivait en octobre 2021, des riverains ont constaté que des camions-bennes déversent aussi des pare-chocs de voiture, des pneus, des matelas, des planches à voile et même des bouteilles de gaz. En 2020 et 2021, lors de visites inopinées sur le site, la préfecture a, elle aussi, constaté la présence de déchets interdits.

Le site a été fortement touché par l’incendie. En arrière-plan, les bureaux de l’entreprise intégralement détruits par le feu. (Photo : R.Z.)
Sur des images satellites que Marsactu a pu consulter, la terre qui borde l’ouest et le sud du site est calcinée. Quelques zones au nord-ouest ont également brûlé à l’intérieur du centre de gestion de déchets. Questionnée sur l’ampleur du sinistre, l’entreprise Suez répond que “les dégâts matériels sont encore en cours d’évaluation”. Elle précise : “En parallèle, plusieurs solutions sont à l’étude pour assurer la gestion transitoire des déchets : recours à d’autres centres de traitement, mise en balles et stockage sur site sécurisé, etc.” Sans pouvoir en dire plus.
“Marseille crame, mais on ne sait rien”, s’étonne Cédric. En 2022, les habitants s’étaient opposés à l’extension du site d’enfouissement voulu par l’État et la préfecture. Aucun des habitants proches du site de gestion de déchets interrogés par Marsactu n’a été informé de la situation.