vendredi 8 novembre 2024

Journal Marsactu - CR réunion du 6.11.2024

 

Rénovation de la Belle de Mai : des rues plus vertes mais des logements toujours en péril

Reportage
le 8 Nov 2024
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Ce mercredi, la SPLA-IN, bras armé de la métropole, l'État et la Ville pour la rénovation de l'habitat indigne, lançait la concertation publique du volet espaces publics à la Belle de Mai. Si le projet séduit, sa portée limitée et l'absence d'informations sur le volet logement questionnent les collectifs d'habitants.

Lancement de la concertation publique sur l
Lancement de la concertation publique sur l'îlot démonstrateur de la Belle de Mai (3e). (Photo : SH)

Une amitié affichée entre opposants. Ce mercredi, élus et urbanistes lançaient la concertation sur les futurs espaces publics de la Belle de Mai (3e arrondissement) devant les habitants du quartier. C’est le premier chantier dans le secteur de la société publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN), maître d’ouvrage de la métropole, la Ville et l’État pour la rénovation du centre-ville de Marseille. Alors, entre Anthony Krehmeier, maire socialiste des 2e et 3e arrondissements, et David Ytier (LR), vice-président de la métropole en charge du logement et président de la SPLA-IN, la complicité est de mise. Les deux se félicitent tour à tour d’une collaboration rare entre les deux collectivités. “La politique à Marseille, c’est beaucoup de chicayas, mais pas ici”, annonce David Ytier avec une petite tape amicale pour le maire de secteur.

Créée en 2019 suite aux effondrements de la rue d’Aubagne, la SPLA-IN Aix-Marseille Provence avance trois leviers d’action face à l’habitat indigne — aide aux propriétaires pour la réalisation de travaux, acquisition d’habitats dégradés pour les réhabiliter et aménagement des espaces extérieurs — financés par le projet plus large de rénovation urbaine qui voit aussi sortir de terres des écoles et une bibliothèque. À la Belle de Mai, mis à part l’immeuble du 49 rue Clovis-Hugues, le chantier de la SPLA-IN commence donc par le dehors. “Avoir des immeubles habitables pour sortir dans des rues défoncées avec des nids de poule, ça ne peut pas fonctionner”, expose David Ytier.

Le projet présenté mercredi se limite pour l’instant à un quartier prioritaire entre la place Cadenat et le jardin Levat. “Ce n’est que quelques rues rénovées, mais on prend. C’est un aperçu de ce que pourrait être la Belle de Mai si elle était traitée comme les autres quartiers de Marseille”, affirme Anthony Krehmeier. Côté métropole et SPLA-IN, on préfère parler d’“îlot démonstrateur”, vitrine de la philosophie des acteurs publics pour les prochaines décennies. “On espère un effet boule de neige”, glisse Solange Biaggi, élue LR de la métropole et conseillère municipale du secteur. Difficile, quand même, de ne pas y voir une copie un peu pâle des grandes ambitions affichées à partir de 2014 par le projet “Quartiers libres”, enterré depuis.

Un secteur très limité

Le groupement d’architectes, urbanistes et sociologues mandaté par la SPLA-IN présente alors les grandes lignes du chantier : désimperméabiliser, verdir et sécuriser. Concrètement, les places de parking seront entrecoupées d’arbres — reliés par le sol pour favoriser l’absorption d’eau —, les carrefours seront repensés et la chaussée réduite quand cela est possible. Quant aux rues les plus étroites, elles seront transformées en zones de rencontres, sortes de rues piétonnes où les véhicules peuvent circuler sous les 20 km/h. Enfin, trois “placettes” devraient entourer le secteur. Aujourd’hui carrefours routiers, la place de la circulation y sera réduite pour laisser la place à divers aménagements (terrasses, bancs, végétation, etc.). Ces grandes lignes devront être affinées lors de la concertation publique pour élaborer le projet final. Un registre numérique est en ligne jusqu’au 13 décembre, un atelier avec les habitants sera organisé le 26 novembre, ainsi que plusieurs permanences. Pour l’instant, les travaux sont prévus dès l’été 2025 jusqu’à fin 2027.

Vue avant/après de la rue Roger-Schiaffini (3e). (Photo: SH)

Après la présentation des futures voiries, vues d’artistes à l’appui, une phase de questions-réponses démarre avec le public, largement composé d’associations et de collectifs du secteur. Si la philosophie de cet îlot semble satisfaire tout le monde et ne suscite que quelques questions précises, la discussion déborde sur la situation plus large du quartier. “Juste à côté, on a la rue Raymondino qui vient d’être rénovée, on n’a rien planté à part des poteaux ! On ne refait que du béton. J’ai une confiance très limitée en vos donneurs d’ordre”, balance un homme du public à l’équipe d’urbanistes. La bonne entente Ville-métropole s’érode quelque peu. “La métropole exécute ce que veut la Ville”, avance Solange Biaggi. La mairie renvoie la balle par la voix de son adjointe chargée des espaces publics, Perrine Prigent : “Le budget alloué par la métropole n’est pas à la hauteur des besoins.”

Ce même contraste vient faire craindre une hausse du prix des loyers à une habitante, qui pose alors la question de l’encadrement des loyers. Cette fois-ci, Davis Ytier fait appel à l’État. “La métropole en a fait la demande à l’État car c’est la volonté de la Ville. Ça fait deux ans qu’on attend la réponse du gouvernement qui, semble-t-il, ne veut pas l’appliquer sur Marseille”, rappelle-t-il. L’élu avance également que 70 % des réhabilitations déboucheront sur des logements sociaux dans la phase “bâti” de la SPLA-IN, prévue à l’horizon 2030. Il se lance même dans une analyse bien à lui : “Si vous vous posez cette question, c’est que vous commencez à espérer que vos quartiers soient refaits.”

Le logement au cœur des questions

Bien que n’étant pas à l’ordre du jour, la question du logement finit donc par prendre le dessus. Un membre du Collectif des habitants organisés du 3e, qui s’attendait à ce que le sujet soit abordé, s’interroge : “Je n’ai pas bien compris le rapport avec la rénovation du bâti promise par la SPLA-IN.” Le directeur général de la société publique, Franck Caro, lui répond : “Il y a un temps plus court sur l’espace public, c’est trois ans. Pour le bâti, une trentaine d’immeubles sont visés. On pourra les exproprier si les propriétaires ne font pas les travaux. Mais l’objectif est d’abord de rappeler aux propriétaires leurs obligations.” La question du logement quitte même l’îlot démonstrateur pour aborder le relogement des personnes dont les immeubles seront détruits par l’arrivée du tramway à la Belle de Mai. Le collectif Qu’est-ce qui s’tram, présenté comme un groupe de réflexion d’habitants sur le sujet, demande si les relogements pourront se faire dans le quartier. La métropole répond que oui.

Reste qu’en dehors des collectifs, déjà connus et sollicités à plusieurs reprises par la SPLA-IN, la concertation publique peine à toucher les habitants. “Je reconnais à peu près tous les visages”, dit même Perrine Prigent. Cette difficulté à étendre le public revient d’ailleurs à plusieurs reprises dans les discussions. “Il n’y a pas eu d’affichage, pas de flyers !“, regrette une habitante. La SPLA-IN nuance ce point et dit avoir mis des affiches dans plusieurs commerces du secteur, mais ne peut pas nier le constat global : “C’est très souvent comme ça, les gens ont une famille, un boulot.” L’un des urbanistes du projet fait alors appel aux collectifs : “Il faut que chacun ramène dix voisins pour le prochain atelier !” Un représentant de la maison pour tous, qui accueille la réunion, tempère un peu : “Visez plutôt cinq, vu la taille de la salle.”

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