mercredi 23 février 2022

copropriété Bel Horizon (article MARSACTU du 22.2.2022)

 


À l’entrée de l’A7, la tour Bel horizon cherche une alternative à sa démolition

REPORTAGE
le 22 Fév 2022
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La tour jumelle est à la porte de Marseille, à deux pas du centre-ville. Minée par les squats et le trafic de drogues, elle n'est toujours pas aux normes anti-incendie. Les pouvoirs publics qui pariaient sur une démolition inéluctable envisagent un sauvetage, sans pouvoir en dire plus.

L'ENJEU

La Ville de Marseille défend désormais la solution d'une intervention publique massive avec présence d'un bailleur social.

LE CONTEXTE

Ciblée comme priorité nationale, cette double copropriété de 19 étages n'est toujours pas fixée sur son avenir.

À l’entrée de Bel horizon 2, des déchets surnagent dans une grande flaque d’eau. À l’ombre du mur qui sépare cette entrée de celle de sa voisine, Bel horizon 1, un canapé attend les employés du point de deal. Dans le hall, l’eau goutte en permanence depuis le plafond. Personne n’est en capacité de dire de quel étage part la fuite. Sur les murs des inscriptions annoncent la qualité de la moula ou du teuch. Il y a quelques mois à peine, côté Bel horizon 1, une fresque faisait la promo du “coffee la tour” avec le menu des produits et le contact Snapchat. Un décor habituel dans les grands ensembles du Nord ou de l’Est de la ville.

Mais ici nous sommes à la porte de Marseille, à cinq minutes à pied de la gare Saint-Charles ou de la porte d’Aix, en bordure du périmètre d’Euroméditerranée, l’opération d’intérêt national qui depuis 25 ans remodèle cette partie de la ville. En fanal de cette opération, cette double tour de 19 étages, divisée en deux copropriétés distinctes, donne à voir l’urgence du mal-logement. Cette urgence hurle depuis vingt ans, suscitant grands plans et promesses de millions par centaines.

L’entrée de Bel horizon 2 est en permanence inondée. (Photo : B.G.)

“CE SOIR TA MAISON ELLE BRÛLE”

Pour l’instant, c’est surtout le silence qui domine, bande-son habituelle du sentiment d’abandon. Une situation qui échauffe les nerfs déjà tendus de Pierre-Louis Albert, le président du conseil syndical. Depuis 15 jours, à chaque fois qu’il sort de chez lui, il doit faire face au message de menace et d’insulte, inscrit au marqueur sur sa porte. Il est signé J….0 et prévient : “ce soir ta maison elle brûle”.

En septembre, un autre membre du conseil syndical, s’est fait ouvrir le crâne par un membre du réseau qui en voulait à son portable. Les appels au commissariat de Félix-Pyat sont devenus récurrents depuis le premier confinement et l’installation pérenne d’un point de deal au bas de la tour. L’implantation du réseau est facilitée par la déliquescence avancée de Bel horizon 2, la copropriété plus petite qui a cru bon de peindre en blanc sa façade pour se distinguer de sa voisine. Elle est désormais sous administration judiciaire et comme nombre des copropriétés du même type, minée par les squats, les marchands de sommeil et les incivilités quotidiennes.

ASCENSEUR, TENDANCE PISTE NOIRE

Les deux bâtiments joints ont leurs destins irrémédiablement liés. Des coursives permettent de passer d’un bâtiment à l’autre en cas d’incendie et facilitent les va-et-vient. “Leur ascenseur est une vraie piste noire alors ils utilisent le nôtre, constate Pierre-Louis Albert. Résultat, à force d’être sur-utilisé, il est régulièrement en panne”. Les deux immeubles sont également tenus de respecter les règles de sécurité qu’impose un immeuble de grande hauteur (de plus de 50 mètres de haut).

Elles exigent notamment la présence d’un gardien 24 heures sur 24. Côté Bel horizon 1, le dernier est parti en maladie sans être remplacé. Mais les difficultés ne s’arrêtent pas là : du fait de sa conception, la façade de l’immeuble est susceptible de faciliter la propagation d’un incendie. Une lourde réhabilitation a été lancée, financée à 100 % par l’agence nationale de l’habitat (ANAH). “Mais depuis deux ans, le projet s’est enlisé dans un conflit technique sur la façon dont devaient être repris les soubassements de fenêtre”, regrette le président du conseil syndical. Entretemps, le syndic professionnel a jeté l’éponge, un nouveau est arrivé, avec la volonté d’avancer.

Le plus important est de redresser les comptes de la copropriété qui fait face à bon nombre d’impayés. Sans cela, la copropriété est à jeter aux loups.

Séverine Legrand, Foncia

“Nous sommes sur le point de nommer un mandataire sécurité pour les deux copropriétés, se félicite Séverine Legrand pour Foncia. Mais le plus important est de redresser les comptes de la copropriété qui fait face à bon nombre d’impayés. Nous le faisons avec pédagogie et accompagnement mais sans cela, la copropriété est à jeter aux loups.

Les loups, tout le monde les connaît. Ils accompagnent la lente déréliction des copropriétés dégradées : marchands de sommeil, organisateurs de squat, trafics en tous genres et surendettement abyssal. En 2018, dans une étude commandée par Euroméditerranée, le cabinet Urbanis concluait que “rester propriétaire à Bel horizon appauvrit”. <br>Quatre ans plus tard, la maxime n’est toujours pas contredite.

LE SPECTRE DE LA DÉMOLITION

Sur l’une des coursives, une habitante du bâtiment 2 fume en admirant la vue à couper le souffle qu’offre la grande hauteur. “Ma mère vit ici et c’est comme un piège pour nous, formule la jeune femme entre deux lâchers de fumée. La seule solution, c’est de tout raser et de nous reloger”.

L’hypothèse n’a rien d’irréaliste. Au contraire, l’étude d’Urbanis recommandait cette solution radicale. Quatre ans plus tard, elle n’est plus vraiment d’actualité. “Sur l’avenir de la tour à moyen terme, nous n’avons aucune perspective”, constate Pierre-Louis Albert. Les habitants ont pourtant tenté de remuer ciel et terre. En mars 2021, un rendez-vous sollicité auprès du maire de secteur socialiste, Anthony Krehmeier, débouche sur la visite du maire de Marseille, accompagné de la préfète de police.

“Nous avons pu exposer nos problèmes de sécurité et évoquer l’avenir de la tour, explique le président du conseil syndical. Ils sont montés jusqu’au sommet pour admirer la vue. Mais depuis, nous avons plus ni son, ni image”. Les habitants mobilisés ont donc sollicité un nouveau rendez-vous auprès du maire, un an plus tard.

Une machine à laver attend le passage des encombrants en contemplant la mer. (Photo : B.G.)

L’ESPOIR D’UN AVENIR EN HLM

Celui-ci sera honoré par Patrick Amico, l’adjoint au logement, dans les prochains jours. “Pour l’instant, plus personne ne considère que la démolition est une solution satisfaisante, explique l’adjoint au logement de Benoît Payan. D’abord cela a un coût et pose d’importants problèmes de relogement alors que nous sommes dans une situation de pénurie”. Patrick Amico défend donc la solution vertueuse d’une intervention publique massive avec présence d’un bailleur social. “C’est la solution la plus souhaitable, reprend l’élu. Mais cela ne résout pas les problèmes de sécurité posés par les bâtiments de grande hauteur.

Pour l’heure, les partenaires du plan Initiatives copropriétés – l’État, la métropole et la Ville – débattent d’un possible écrêtement du bâtiment, consistant à en grignoter les derniers étages, 6 environ. La Ville défend l’idée d’une dévitalisation de ces mêmes étages, condamnés mais pas détruits. Une solution qui présente des faiblesses techniques et juridiques pour les représentants de l’État, bien que le bailleur Unicil l’ait expérimenté à la Solidarité (15e).

En tout cas, Bel horizon figure toujours à l’agenda des discussions entre les partenaires du plan signé en 2018 qui donnait aux deux immeubles le rang de priorité nationale. La copropriété sera aussi évoquée lors du comité d’engagement de l’Agence nationale de rénovation urbaine, le 9 mars prochain, au titre du projet grand centre-ville et une étude urbaine devrait être commandée à Euroméditerranée pour réfléchir à sa meilleure intégration dans le quartier. En attendant l’issue de ces discussions, les habitants de Bel horizon peuvent se réjouir de la présence d’un voisin bien pratique : leur bâtiment surplombe la caserne des pompiers. Ultime espoir en cas d’incendie…

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