Lâché par l’État, le projet municipal de salle de shoot à Marseille fragilisé
Ce mardi, l'État a mis son véto à la dernière minute au projet d'installation d'une salle de consommation de drogue au 110, boulevard de la Libération. Ce revirement met le projet sur la sellette. Ce dispositif médico-social était une promesse phare du Printemps marseillais.
La nouvelle a fait le tour des médias, ce jeudi : la salle de shoot, au 110, boulevard de la Libération à Marseille, ne verra pas le jour. Mercredi soir, une réunion du comité de pilotage du projet, qui n’attendait plus que la validation de l’État, a eu lieu. Comme l’a révélé La Provence, son issue est sans appel : cette validation ne viendra pas. “Les choses ont été très claires et actées. Pour faire une HSA [halte soins addictions, l’autre nom de la salle de shoot], il faut un consensus. Il n’y a pas de consensus. J’en prends acte et je verrai quelles suites je donne, explique au lendemain de cette réunion Benoît Payan, le maire de Marseille (DVG). Mais comme je l’ai dit, je n’ai pas l’intention de laisser les toxicomanes roder dans les rues, il faut les soigner. Mais non, il n’y aura pas de HSA au 110, boulevard de la Libération.”
Ce dispositif médico-social, qui a pour but de recevoir des usagers de drogue lors de leur consommation pour réduire au maximum les risques faisait partie des promesses de campagne du Printemps marseillais. En refusant le lieu choisi pour son implantation, l’État remet sérieusement en question l’ouverture d’une halte durant ce mandat municipal. D’autant plus qu’aucune voix politique pour s’opposer à ce revirement de dernière minute ne s’est fait entendre au niveau local.
“AVIS NÉGATIF DE TROIS MINISTRES”
Que s’est-il passé lors de ce comité de pilotage ? “Il y a eu conjointement un avis négatif de trois ministres [Santé, Justice, Intérieur] à une demande formulée par la Ville de Marseille pour un projet déjà identifié”, précise le préfet de région, Christophe Mirmand, interrogé par Marsactu. Pour autant, l’État n’était, jusqu’à présent, pas absent des discussions. Il était représenté à plusieurs niveaux au sein du comité de pilotage, via notamment l’agence régionale de santé, mais aussi la préfecture.
Ce n’est pas une remise en cause de cette HSA mais une réflexion doit être menée à la fois sur ces modalités de fonctionnement et son emplacement.
Christophe Mirmand, préfet de région
Pour justifier ce changement d’avis soudain, le préfet évoque le processus de concertation, particulièrement tendu. “Le projet de site a été soumis à concertation publique et à cette occasion, des oppositions et des difficultés sont exprimées. Il s’agit de prendre acte de cette opposition. Ce n’est pas une remise en cause de cette HSA mais une réflexion doit être menée à la fois sur ces modalités de fonctionnement et son emplacement”, développe-t-il.
Dans un premier temps, les recherches s’étaient portées sur le 1ᵉʳ arrondissement avant que la maire de secteur, Sophie Camard, ne s’oppose ouvertement à accueillir le projet. “Je ne vois pas de lieu qui pourrait accueillir ce genre de dispositif, en tout cas pas dans le 1ᵉʳ arrondissement. La ville est grande”, répondait-elle à Marsactu en avril dernier. Finalement et après des mois de tergiversations, l’annonce de l’atterrissage de la salle dans le 4ᵉ arrondissement voisin apparaissait comme une sorte de compromis.
Mais avait provoqué un tollé parmi un certain nombre de riverains. Ces derniers pointaient notamment la proximité d’écoles et le fait que les problématiques liées à la consommation de drogue sur la voie publique se concentrent plutôt du côté du 1er arrondissement, à plusieurs centaines de mètres de là. Les réunions d’information organisées dans la foulée n’auront pas suffi à calmer les ardeurs. “Nous sommes soulagés par cette annonce qui conforte ce que nous disons depuis le début. Notre quartier n’a pas de problème de consommation de drogue dans la rue, c’est la reconnaissance du terrain”, réagit Perle Perrin, fer de lance de la contestation citoyenne.
“IL N’EXISTE PAS D’ENDROIT PARFAIT”
Pour le maire des 4/5, cet échec “permet de tirer des enseignements”. Surtout, celui qu'”il n’existe sans doute pas d’endroit parfait pour installer une halte soins addiction et que son implantation, son fonctionnement, les indispensables mesures de sécurité qui l’accompagnent doivent être débattues le plus en amont possible et de la façon la plus transparente”, écrit Didier Jau (EELV) dans un communiqué qui sonne aussi comme une critique de la méthode appliquée par la mairie centrale. Pas sûr que la majorité ne se donne l’opportunité de pouvoir appliquer ces enseignements avant la fin du mandat.
Avec Aurélien Rousseau, il y avait des échanges, du soutien. Depuis, plus rien. J’étais consciente qu’il y avait un problème de temps, la HSA de Marseille n’était plus une priorité.
Michèle Rubirola, adjointe au maire
De son côté, la première adjointe déléguée à la Santé, Michèle Rubirola, a réagit, aussi par communiqué, dès mercredi soir. Si elle se félicite que “la démarche entreprise ait permis à tous les élus, y compris une partie de l’opposition, et à l’ensemble des acteurs institutionnels de confirmer la nécessité sanitaire et sociale d’ouvrir une HSA à Marseille”, pour cette dernière, c’est clairement la nouvelle équipe gouvernementale qui a mis un coup d’arrêt au projet boulevard de la Libération.“Avec Aurélien Rousseau [avant-dernier ministre de la Santé], il y avait des échanges, du soutien. Depuis, plus rien. J’étais consciente qu’il y avait un problème de temps, la HSA de Marseille n’était plus une priorité. Trois mois après le dépôt, le dossier est devenu trop complexe”, précise-t-elle à Marsactu.
Michèle Rubirola a fait de cette salle de consommation à moindre risque son projet phare. Il y a quelques mois, elle confiait à Marsactu que l’ouverture de cette salle devait se faire au plus vite, au risque de pâtir ensuite de l’approche des élections municipales : “Il faut que cette salle ouvre en 2023, ce n’est pas un projet de fin de mandature. Je sais que cela marche, mais il faut le temps que la population en ressente les effets positifs.” Des conditions qui semblent aujourd’hui compromises.
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