mercredi 22 mars 2023

Journal Marsactu

 


À la Belle-de-Mai, on ne fera pas de tram sans casser d’immeubles

DÉCRYPTAGE
le 22 Mar 2023
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Longtemps incertain, le projet d'un tramway à la Belle-de-Mai est désormais validé, et en phase d'études. Mais d'autres obstacles restent à franchir. Marsactu lève le voile sur les effets collatéraux de la traversée du quartier : plusieurs dizaines d'immeubles pourraient être touchés.

L'angle du boulevard National et de la rue Loubon est un des points durs du futur tracé. Photo : Julien Vinzent.

Depuis début février, une fumée blanche flotte au-dessus de la Belle-de-Mai. Comme le révélait alors le site Made in Marseille, les élus municipaux et métropolitains ont acté un tracé pour le futur tramway qui doit rejoindre la place Burel puis, à terme, grimper vers Saint-Jérôme. L’ensemble des élus présents ont validé l’itinéraire passant par la rue Loubon, qui serpente depuis le boulevard National jusqu’au cœur du noyau villageois.

En revanche, ils n’ont pas sorti le clairon pour mentionner les points durs que ce tracé allait rencontrer dans la traversée de la Belle-de-Mai.

le passage par la rue Loubon permet ce que Martine Vassal présente souvent comme une opportunité, “la rénovation de façade à façade”, d’une grande partie de la Belle-de-Mai. Cette option offre aussi la possibilité de conserver la desserte en bus, via le boulevard de Strasbourg. En effet, plusieurs lignes de bus très fréquentées (31, 32 et 89) empruntent ce tracé avant de rejoindre Jean-Jaurès, Saint-Joseph et Saint-Jérôme. Le passage par la rue de Loubon permet de faire coexister les deux modes de transports en parallèle.

UN PREMIER TRONÇON ENTRE ARENC ET BUREL EN 2030

Le tracé global du tramway vers la Belle-de-Mai présente une configuration en T avec deux branches, dont la réalisation doit se faire en deux phases, en fonction des travaux en profondeur autour de la gare Saint-Charles. Le premier tronçon du tramway de la Belle-de-Mai, entre Arenc et la place Burel, pourrait donner lieu à une concertation dès 2023 pour une mise en service, espérée en 2030. Le second tronçon qui doit raccorder cette ligne à la gare Saint-Charles entrerait en travaux à partir de 2028 pour une mise en service effective quelque part entre 2030 et 2035. Cette partie du réseau est tributaire des travaux entrepris par l’État pour la réalisation de la nouvelle gare Saint-Charles, dans le cadre de la Ligne nouvelle Provence côte d’Azur.

“En revanche, je n’ai entendu personne mentionner une accélération du calendrier comme certains élus l’ont annoncé en sortie de comité de pilotage”, glisse un technicien, un brin matois. L’adjointe aux mobilités, Audrey Gatian avait ainsi déclaré avoir obtenu l’accord de la métropole pour “une mise en service en 2028”. Une accélération subite que personne ne confirme.

56 PARCELLES À ACQUÉRIR

Le passage rue Loubon entraîne de vrais effets sur le bâti existant, avec à la clef pas mal de rachats voire d’expropriations. Selon plusieurs témoins, 56 parcelles pourraient être concernées. À ce stade, des études complémentaires sont nécessaires pour arriver à franchir plusieurs points durs du tracé mais le comité de pilotage a d’ores et déjà passé en revue les endroits où ça coince.

Le premier point concerne la jonction entre le boulevard National et la rue Loubon, avec un virage à 90 degrés, impossible à négocier sans rogner sérieusement d’un côté ou de l’autre de la voie. Au croisement des deux voies, deux immeubles se font face. D’un côté, un trois-fenêtres de quatre étages accueille le café d’Alger en rez-de-chaussée. En face, un immeuble des années 50 de sept étages présente une pharmacie très achalandée. Pour l’heure, les scénarios de préemption tablent plutôt par des acquisitions, côté café d’Alger (voir photo de une).

Ce qui m’importe, c’est de privilégier le bâti villageois. Entre un trois-fenêtres et un hangar commercial, je choisirai toujours de préserver le premier

Anthony Krehmeier, maire des 2/3

D’autant plus que le pâté de maison se prolonge par un hangar actuellement occupé par une grande boucherie Mustapha Slimani et un marchand de légumes. Contacté par Marsactu, le maire de secteur Anthony Krehmeier (Printemps marseillais), refuse de confirmer les scénarios d’expropriation, tout en indiquant sans détours : “moi ce qui m’importe, c’est de privilégier le bâti villageois. Entre un trois-fenêtres et un hangar commercial, je choisirai toujours de préserver le premier“.

PRÉSERVER LE CINÉMA LE GYPTIS

Un autre point dur de la traversée de la Belle-de-Mai concerne l’entrée dans le noyau villageois où la rue Loubon amorce une pente et un virage. À cet endroit, il faudra donc trancher entre le flanc droit de la rue où le cinéma le Gyptis prolonge une longue série de petits immeubles de ville, particulièrement décatis. Au plan local d’urbanisme voté en 2019, l’ensemble est grévé d’une “marge de recul”, annonciatrice d’une volonté de reconfiguration urbaine.

Sur le flanc gauche, un immeuble d’habitation d’une cinquantaine d’appartements avec plusieurs commerces en rez-de-chaussée, dont une pharmacie. Les techniciens devront trancher entre les différents scénarios de traversée, préservant -ou pas – le cinéma de quartier qui, au fil des années, a trouvé son public, avec notamment un axe jeunesse.

Les études doivent permettre de trancher entre la préservation du Gyptis et celle de la copropriété d’une cinquantaine de logements qui lui fait face. Photo : Julien Vinzent.

RECONFIGURER L’ENTRÉE DU VILLAGE

Si l’étendue de la place Caffo permet d’envisager le passage d’un tramway sans trop toucher au bâti existant, l’arrivée dans le noyau villageois de la Belle-de-Mai présentera aussi une difficulté avec une rue très étroite et bordée de petits immeubles avec rez-de-chaussée commerçants. À cet endroit, les scénarios mis à l’étude par la métropole prévoient une séparation de la ligne en deux brins. Mais le passage du tramway oblige tout de même à un recul d’une partie de la façade bâtie.

Là encore, les hypothèses à l’étude anticipent sur un certain nombre d’évictions commerciales. Pour le maire des 2/3, Anthony Krehmeier, le secteur fait partie des enjeux patrimoniaux où l’insertion du tramway ne doit pas se faire au détriment du cachet villageois du cœur de quartier. Les études complémentaires doivent permettre d’affiner les différents scénarios d’acquisitions foncières, en limitant au maximum l’impact sur le bâti existant. Ce qui expliquerait l’absence de communication auprès des propriétaires et occupants concernés. “Mais tout le monde sait qu’on ne fait pas passer un tramway, sans impact sur le bâti existant”, constate le maire de secteur. L’élu veut en faire une chance pour un quartier, longtemps oublié par des plans d’urbanisme successifs. La concertation public pour le projet pourrait démarrer d’ici à la fin de l’année.

LE TRAMWAY DU QUATRE-SEPTEMBRE ENTRE EN CONCERTATION
À partir du 22 mars et jusqu’au 30 avril, la métropole met en débat, un autre tronçon de futur tramway, entre la rue de Rome et la place du Quatre-Septembre. Inscrit dans le plan Marseille en grand, ce projet n’est pas considéré comme prioritaire par les services de l’État, à la différence des lignes appelées à désenclaver le secteur Nord de la ville. Les mairies de secteur successives comme les comités d’intérêt de quartier ont dit leur hostilité au projet. La concertation débute par une réunion publique, à 18 heures, ce mercredi dans l’hémicycle du Pharo.

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