Dans l’écrin du Cirva, artistes et artisans soufflent une poésie en verre
Lieu de création et de recherche, ce centre d'art accueille plasticiens et designers en résidence, à Marseille, depuis 40 ans. Dans cet espace unique en France, installé à la Joliette, naissent des pièces au croisement de l'artisanat verrier et des arts plastiques.
Le four s’ouvre et laisse échapper un feulement. Du bout de la canne métallique et creuse, Fernando Torre, le verrier, y cueille une boule orangée de la taille d’un pamplemousse. Du verre en fusion. Les esprits scientifiques savent que l’on parle là d’un savant mélange de silice, de chaux et de potasse porté à plus de 1280 degrés. Les rétifs aux axiomes physiques ne verront, eux, que de la magie pure de l’instant. Ils auront raison. L’amas – souple et visqueux comme du miel, translucide mais encore chargé de reflets dorés – enfle, prend forme. La boule se fait bulle. Elle évolue au gré de l’air qu’insuffle le souffleur au bout de la canne et des mouvements de rotation qu’il lui impulse avec une précision d’orfèvre.
Le Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques (Cirva) figure dans le club très fermé des lieux où l’on peut voir la magie à l’œuvre. Un espace unique en son genre en France, méconnu des Marseillais, que cette ancienne usine textile nichée rue de la Joliette.
Ici, depuis 1986, des artisans mettent leur maîtrise infinie de cet art ancestral – les premières traces de verre apparaissent au Ve millénaire avant JC en Mésopotamie – au service des expérimentations d’artistes et de designers.
Créée initialement en 1983 dans les locaux de l’école d’art d’Aix-en-Provence, le Cirva écrit depuis 40 ans un dialogue inédit entre arts plastiques et artisanat verrier.
TAMAR HIRSCHFELD, VERRE, CRÉATIVITÉ ET POLITIQUELe musée des Beaux-Arts donne à voir, dans l’aile gauche du Palais Longchamp, les œuvres de Tamar Hirschfeld réalisées au Cirva. Flèches d’humour et saillies politiques sont décochées avec justesse dans cet écrin délicieux, dédié d’ordinaire aux sculptures et peintures des XVIe aux XIXe siècles. L’artiste israélienne a composé des pièces subtiles et malicieuses – en verre le plus souvent mais pas uniquement – qui évoquent autant le réchauffement climatique, que la surconsommation. Monsieur Covid est de la partie : il fait opportunément face à La Vue du cours, de Michel Serre, qui dépeint, dans une apocalypse indescriptible, la peste de 1720. Il faut prendre le temps de scruter minutieusement ces facétieuses imitations de vases grecs antiques dont le verre, sablé, laisse apparaître dans de minuscules détails ici, la rudesse d’une scène guerrière – avec soldats, drones et caméras – là, la violence brutale de l’exode.
Grillée – Tamar Hirschfeld, jusqu’au 23 avril au musée des Beaux-Arts de Marseille, Du mardi au dimanche de 9h à 18h. Entrée gratuite.
Le Cirva se visite le 1er avril dans le cadre des Journées européennes des métiers d’arts. Ces visites de 45 minutes sont gratuites, il faut s’inscrire au préalable.
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