A peine lancé – la première UTEQ a vu le jour en 2008 –, l'un des dispositifs phare du gouvernement en matière de sécurité est donc gelé. Le même raisonnement vaut pour les compagnies de sécurisation, créées en même temps : 23 étaient prévues mais à peine le quart d'entre elles ont été installées.
SUPPRESSION DE 2 000 POSTES
La révision générale des politiques publiques (RGPP) impose, ici comme ailleurs, une baisse des effectifs – le budget 2010 prévoit de supprimer plus de 2 000 postes dans les rangs de la police. Or, pour créer les UTEQ, qui comptent chacune entre 20 et 25 fonctionnaires, l'administration ponctionne des commissariats déjà exsangues.
Le rapport d'évaluation commandé à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et à l'Inspection générale de l'administration (IGA) viendra entériner cet état de fait. Tout en rendant hommage au travail des UTEQ, le document, qui devrait être remis en janvier à M. Hortefeux, échafaude une porte de sortie. Selon nos informations, il conclut à la nécessaire mobilité de ces unités. Elles deviendraient "déplaçables" en fonction des besoins et soumises à des objectifs révisables d'une année sur l'autre.
Le rapport prône également l'élaboration d'un diagnostic "approfondi" dans chaque territoire et un "partenariat sérieux" avec les élus. Un tel scénario présenterait l'avantage de combler les trous, mais mettrait à bas la philosophie même du dispositif : être en contact régulier avec la population.
"UNE SOLUTION QUI COÛTE, MAIS QUI EST EFFICACE"
Dès son arrivée au ministère de l'intérieur, en 2002, Nicolas Sarkozy avait supprimé la police de proximité mise en place par la gauche, en lui reprochant de jouer les "assistantes sociales". Cinq ans plus tard, après les échauffourées à Villiers-le-Bel (Val d'Oise) de novembre 2007, le projet des UTEQ avait été imaginé pour combler le vide laissé sur le terrain.
Dans 22 départements, une liste de quartiers sensibles avait été dressée. Et le 14 avril 2008, les premières unités voyaient le jour en Seine-Saint-Denis. Puis d'autres avaient suivi à Marseille, Toulouse, Rouen, Lille, Strasbourg, Tourcoing, et jusque dans le centre-ville de Rennes.
Le 24 juin, le jour même de son installation place Beauvau, sitôt la passation de pouvoir avec Michèle Alliot-Marie achevée, M. Hortefeux s'était rendu à Orly (Val-de-Marne) saluer une nouvelle UTEQ tout juste installée. Le ministre de l'intérieur avait alors déclaré: "C'est une solution qui coûte, qui suppose des redéploiements mais qui est efficace." Il avait évalué la baisse de la délinquance "entre 10 % et 20 %" là où les UTEQ s'étaient installées.
Elles sont, de fait, souvent réclamées par des élus de droite comme de gauche, malgré une mise en place parfois délicate (nombre de ces unités ont été accueillies dans les quartiers par des caillassages), et les critiques sur l'aspect"Robocop" de l'équipement des policiers (flash-balls, pistolet à impulsion électrique, casques pare-balles…).
Mais surtout, l'arrêt brutal du programme entre en totale contradiction avec les discours répétés de Nicolas Sarkozy sur la lutte contre la délinquance. Le 24 novembre, arpentant de nouveau la banlieue parisienne sur son thème fétiche, le chef de l'Etat avait insisté sur sa volonté de "reconquête des quartiers sensibles". Une "reconquête" qui passerait par la lutte contre le trafic de drogue et l'économie souterraine. Or, l'Elysée et le gouvernement sont particulièrement inquiets quant à l'agitation que pourrait provoquer ces initiatives dans certains quartiers.
Faire plus avec moins : la Direction générale de la police nationale et la Direction centrale de la sécurité publique travaillent actuellement à une recomposition des circonscriptions de police. Après Paris, la création d'une police d'agglomération à Lyon et Marseille notamment, font partie d'un vaste chantier de réorganisation d'abord dicté par la rigueur budgétaire.
Isabelle Mandraud
(Le Monde du 17.12.09)